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Ces start-up qui horripilent les professions réglementées

« Ces start-up qui horripilent les professions réglementées » par Laure-Emmanuelle HUSSON le 30 septembre 2014

Pharmaciens, avocats et notaires sont en grève contre le projet de libéralisation du gouvernement. Leur crainte? L’assaut de start-uppers bien décidés à mettre à mal leur monopole en cassant les prix.

La libéralisation des professions réglementées se fera-t-elle grâce à eux? Alors que les pharmaciens, médecins, biologistes, notaires et huissiers débrayent ce mardi 30 septembre en riposte au projet de réforme du gouvernement, de jeunes entrepreneurs secouent le cocotier. A l’image d’auto-ecole.net, la première école de conduite en ligne agréée, qui casse les prix du marché avec un permis dès 675 euros contre 1.250 euros en moyenne selon la CLCV. Lancée à la rentrée, l’auto-école permet de passer son code sur Internet et d’y réserver ses cours de conduite grâce à 42 points de rendez-vous sur toute l’Ile-de-France. « Le plus difficile fut d’obtenir l’agrément de la préfecture car les règles à respecter sont poussiéreuses et coûteuses, explique Stanislas Llurens, un des co-fondateurs. On comprend mieux pourquoi le permis est aussi cher en France! ».

Ainsi, alors que la start-up veut se développer principalement sur le web, elle est obligée de louer un local et des places de parking dans Paris comme n’importe quelle auto-école. « Nous avons mis trois mois pour l’avoir car il nous manquait un deuxième extincteur. Du coup, par précaution, nous en avons installé trois!, confie Stanislas Llurens. Reste que les frais avancés pour débuter l’activité se sont avérés élevés, surtout à Paris où les loyers sont chers. « Entre les contraintes réglementaires et le manque de places à l’examen, les auto-écoles sont étouffées, s’alarme-t-il. Sauf à être entièrement informatisé comme nous, c’est compliqué.

Ornikar bloqué faute d’agrément

Une situation encore plus complexe pour Ornikar. La jeune pousse qui ambitionnait en janvier d’être « la première auto-école en ligne » n’a pas eu la chance d’obtenir son agrément, et ce malgré un important tapage médiatique. Pire, elle a dû faire face à un barrage en règle de la profession. Six associations et syndicats du secteur ont assigné cet été la société par une procédure d’urgence, l’accusant de se lancer alors qu’elle ne disposait pas de l’agrément nécessaire. Si finalement Ornikar a gagné son procès –son site n’étant pour le moment qu’une vitrine, le mal est fait. Neuf mois après son lancement, la start-up ne peut toujours pas accueillir ses premiers élèves.

Les corporations n’hésitent pas à mettre des bâtons dans les roues des entrepreneurs et à saisir la justice pour préserver leurs intérêts. Au printemps, l’Ordre des avocats et le Conseil national des barreaux ont perdu leur procès contre demanderjustice.com, plateforme qui aide les internautes à saisir la justice pour régler les litiges de la vie courante.  Le tribunal correctionnel de Paris a finalement reconnu la légitimité du marché du droit en ligne en France. Dans son blog Challenges, le docteur en droit Karine Abbou Morcillo, se réjouit de cette décision: « Elle aura (espérons-le) pour effet de freiner cette tendance tenace d’une partie de la profession à lutter par tous moyens légaux contre l’émergence naturelle et inévitable d’un marché du droit en ligne. »

Un enjeu sociétal important

Mais rien n’est moins sûr: les instances représentatives de la profession semblent décider à défendre leur pré-carré. « Cette décision de justice nous rassure sur la validité de notre modèle mais je pense qu’ils ne nous laisserons jamais tranquilles, estime Léonard Sellem, le co-fondateur. On est face à une profession qui au lieu de repenser son métier, nous empêche de le faire « . Pourtant demanderjustice.com est loin de s’attaquer au monopole de la représentation judiciaire de l’avocat. La start-up vient au contraire combler un vide en traitant des affaires qui ne nécessitent pas la présence d’un avocat, puisqu’inférieures à 10.000 euros.

« Beaucoup de Français baissent les bras devant la complexité du dossier à monter, surtout quand il s’agit de très petits litiges. Là, nous leur proposons de les accompagner dans leurs démarches, d’abord pour un règlement à l’amiable puis s’il le faut pour une mise en demeure ». Et le succès est au rende-vous: en deux ans, 100.000 dossiers ont été traités et 82% d’entre eux ont réussi. En juin, la start-up a levé 1,5 million auprès de Partech Ventures pour financer son développement. « L’enjeu sociétal est important: il y a un vrai besoin en France de vulgarisation du droit et de simplification de l’accès à la justice », insiste Léonard Sellem.

Vers une fracture au sein des corporations?

Dans la même veine, Testamento vise à démocratiser l’accès aux testaments. Créée en décembre 2013, la start-up propose d’établir des documents olographes à partir d’un questionnaire en ligne pour 34,90 euros. « Dans la plupart des cas, il n’y a pas besoin d’un notaire pour que le testament ait une valeur juridique, exprime Virgile Delporte, le fondateur. Mais beaucoup ne le savent pas et surtout ne savent pas comment bien le rédiger pour qu’il soit valable ». Mais là encore la profession s’indigne, quitte à se mettre à dos les plus jeunes de leurs adhérents.  « Nous faisons une différence entre les instances notariales qui sont dans une position dogmatique et les notaires qui sont beaucoup plus pragmatiques face à des actes qu’ils ne pratiquent pas beaucoup car non rentables pour eux », le patron de Testamento.

On voit ainsi poindre le début d’une fracture entre les instances représentatives, droites dans leurs bottes, et les professionnels sur le terrain prêts à accepter le changement. « Quand nous avons voulu renvoyer des dossiers plus complexes vers de jeunes avocats qui, on le sait, ont du mal à se faire une clientèle au départ, l’Ordre des avocats et le Conseil national des barreaux s’y sont opposés », rappelle Léonard Sellem. Mais à défaut d’enrayer la croissance de ces start-up, les professions réglementées peuvent se réjouir d’une chose: Bercy a d’ores et déjà annoncé que le projet de loi « pour la croissance » sera repoussé à 2015 et cantonné à de « petits déblocages ».

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